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Je n'avais pas voulu te saluer

Assis là, devant moi sur le rivage

À regarder l'horizon, assis là, tous deux

Te demander du feu ou bien d'où tu viens

Comme une indication qui en vaut des centaines

Assise assurée d'une rhétorique incertaine

Laisser-passer pour bavardages bien ancrés

Jeté comme un galet à la verticale 

Dans les eaux sombres d'un lac automnal

Et voué à couler bien profond

Sans ricochet 

Je n'avais pas voulu te saluer

Alors j'ai préféré battre le pavé 

Certains retours tu le sais ne sont pas nécessaires

La nostalgie, trompeuse

Elle jette à la vue ce qui est déjà perdu

A grand renfort de battements sourds

Comme la basse qui l'emporte toujours 

Sur les mélodies et les cris tapageurs

Ton message je l'ai reçu

L’été s'installe et tout refait surface 

Se revoir ? Cela fait des années

Et malgré les années, amusée

Insouciante

Ironie

Certain messages ne devraient pas être compris

Ils sont chargés de menaces sombres 

D'avertissements muets 

Ils se trompent de jour, et d'endroit

Anachroniques 

Je n'avais plus pensé à toi depuis longtemps

Depuis toutes ces années 

Insouciante, amusée

Un verre ensemble. Je n'en attendais rien

Presque rien : des souvenirs

Et pourtant les souvenirs

J'aurais dû m'en méfier 

Ils viennent de loin et peuvent tout rafler

Toujours à leur avantage

Le poison ou bien l'élixir 

D'une vie

C'est selon

Alors j'ai laissé ces souvenirs, m'envahir

Comme un torrent se déverser 

Dans un lac de plaisir 

La main, les cheveux 

Tes petites dents, écartées, un peu

Certaines images sont plus fortes que d'autres

S'imposent naturellement 

Comme lorsque que l'on voit un paysage pour la première fois

Et que l'on sait déjà qu'on s'en souviendra 

Ou qu'on s'applique à tout regarder 

Pour que cette image

Soit de celles qui reviennent 

Comme cela mais naturellement

Etre de celles qui reviendront, forcément

Tu me parles d'un pays 

Et d'un exil

Un pays aux mille cèdres

Que je connais un peu tu me dis 

Que tu as fui, et que dans ce pays 

Aux mille cèdres

Où la terre fume encore d'avoir été brûlée 

Où poussent malgré les feux 

Les germes des sentiments les plus doux

Tu as conquis ta liberté

Je ne me souviens pas t'avoir tant laisser parler

Je ne me souviens pas, que tu aies dit tout ça

L'air est frais ce vendredi

10 ans

10 ans et j'ai voulu te demander comment 

Et pourquoi Et si elle ça va

L'air est frais ce vendredi 

Et cette langue il aurait fallu me la couper 

Très tôt

Comme parfois on coupe aux enfants

Le frein labial du haut

Il est des rituels qui ne vont pas assez loin 

Et des habitudes qui ne se perdent pas

Tu m'as toujours laisser parler 

Et je comprends soudain, toute langue déliée, le secret de notre amitié

Je n'avais pas voulu te saluer

Je ne sais pas très bien je ne sais plus grand chose de cette journée 

Ma tête roule sur ton corps

Comme une boussole cherchant le Nord

Beirut hier, et ce matin

l'Est parisien

Istanbul encore

Nice le lendemain

Elfriede je t'en prie, arrête de compter

Je suis épuisée

Emmène-moi dans la montagne 

Je m'y sentirai bien

Deux heures voire trois

Avec toi

La suite tu la connais déjà

J'ai toujours voulu avoir un cou plus long

Pour passer ma tête au-dessus de la ville

Et recueillir des chats toutes les lapées

Avec toutes les langues qu'on leur a jamais données

La suite tu la connais déjà

Je n'avais pas voulu te saluer

C'est fou comme on peut se laisser faire 

Accélérons encore un peu notre foulée

Et redevenons le temps d'une gorgée 

Les enfants que nous étions

Accoudons-nous aux tables comme ces chevaux s'accoudent à la terre

Mon regard droit sur tes paupières 

Abaissées, un peu

Et tes sourires qui répondent à mes sourires peureux 

Certains retours tu le sais ne sont pas nécessaires

Tous ces paysages qui attendent d'être conquis

Tous ces langages qui ne devraient pas être compris

Comprenons-les comme l'on a envie

Jouissons de cette liberté sur le petit empire de nos mots

Dont nous serons Roi et Reine pour longtemps 

Et dictons à nos corps comment faire 

Pour avaler cette vie

81 – 92 – 2016

Vers l'infini

Allez, 

Soyons tous deux la trêve

Pas de « on » mais deux rêves

Malgré les morts

Malgré la haine

Nathan, dis-tu, il faut 

Aimer quand même

Ancre 1
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