Depuis sa rive gauche je dominais l’Ichim

Là s'étendait la nouvelle ville

Au premier plan, lumineux battements

Etendards mystiques d'un siècle trompeur

Les écrans géants du Media Center

Clignotaient en quinconce

Renvoyant les images nettes

D'un pays neuf

Entre les tours penchées d'une skyline improvisée

En une nuit

Dessinée

Sur un ciel majestueux

Par des hommes

Sans yeux

Sur les écrans géants de la rue Kunaev

Vois ce qu'il faut savoir sur le début d'une histoire

Sur le quotidien et ses avatars

D'un peuple et de ses terres

D'une terre et de ses peuples

Large comme la lune, sèche comme le désert

Gorgée de minéraux et de précieux métaux

Où le cheval est roi et le mouton bien gras

Sur les écrans géants de la rue Kunaev

Ecoute le pays mugir

Et vois ce qui est tu

De cette terre battue par les pas branlants

De mille dissidents, leur femme et leurs enfants

Soulevant de leurs points

Des nuages de poussière lasse

De cette terre battue où le sel épars

Se mêle au sable pâle

De lacs exigus et de mers desséchées

De cadavres aux restes putréfiés

De troupeaux de saïgas décimés

Où les vents violents

Impriment leur râle strident dans les esprits hagards

Plus loin, en diagonale

Au centre de l'esplanade

L'Aq Orda et son dôme bleu disparaissaient

Absorbés par un ciel uni

Suspendue à travers le Tengri

L'unique flèche centrale en proie aux rayons du soleil

Filait

De Vostok à Soyouz à travers l'atmosphère

Quitter Baïkonour direction le cosmos

Après trente-cinq orbites autour des tropiques

S'amarrer au flanc nord de la station MIR

Et dans son costume droit aux épaules cubiques

Le chef d'équipage saluant ses vizirs

D'annoncer de sa vision le business plan

Maquette à l'appui d'un discours éloquent

« Astana 2030 » - décollage imminent

D'un pays tout entier et des ses clans unifiés

Bercés par la promesse démesurée

Sinon de l'Absinthe la longue traîne

D'une pluie d'étoiles en fin d'année

L’étoile rouge, elle, ne brillait plus

De rouge il n’y avait guère

Qu'un « Coca-Cola » aux lettres scintillantes

Cloué au toit de la capitale

Obtenant par là-même le grade

De nouveau hub d'Asie centrale

A quelques encablures du centre

La steppe, omniprésente

Venue des confins de la terre

Prête à engloutir ce que la bête

Dans son action délirante, érigeait à tue-tête

Cette terre rase à peine velue

Brûlée en été, gelée en hiver,

N’avait rien à offrir

Mais l’homme d’ici résisterait

Au manque d'eau, à l'agonie

Au destin tragique de Fatehpur Sikri

Aux assauts répétés du furieux « moroz »

Qui rongeait le béton et les dalles poreuses

Tout était prévu :

Curieux ballet de grues quadrillant l’horizon

S'élevant légères au gré des saisons

Masquant tout signe précurseur

D’abandon.

Astana

As-ta-na,

Trois syllabes intelligibles dans toutes les langues,

Erigée comme un phare sur l’immensité de la plaine

Guidait le pays

A travers les temps troubles de la transition